Chapitre 3...

Enfer et damnation. Qu'il pouvait être barbant d'étudier dans ce bordel... Première journée? Chiante au possible. Les profs sont tordus, le personnel nonchalant. Quant au élèves, même pas besoin d'en parler. Jamais vu ça, en 6 ans de vie en société. Ils sont menteurs, débauchés et mal éduqués. Ils n'ont aucun respect pour les règles, ne font preuve d'aucune discipline et agissent souvent selon leurs propres volontés ou tout simplement leurs instincts primaires. La distinction entre humains, anges et démons est impossible à établir dans ce milieu. Ils sont tous pareils. Imprévisibles et sauvages.

15h36.
La pluie tombait, torrentielle, depuis trois bonnes heures. Shinji, imperturbable, s'était réfugié à la bibliothèque juste après le repas et séchait à présent les cours sans aucun remord. Aucune lettre n'arriverait chez lui. Aucun coup de fil. Le directeur était au courant de son cas. Il n'avait pas la moindre autorisation de le réprimander ni même de le coller, de le punir... les profs, même tarif. Et pourtant, même si théoriquement il en avait le pouvoir, Shinji ne s'était pas fait maître de l'école. Là n'était pas son but. Aucune ambition, aucune émotion. Son destin, tout tracé depuis sa naissance, lui avait été relaté par les infirmières et médecins qui -de mémoire- s'étaient toujours occupés de lui. Depuis qu'il avait quitté le centre, chaque nouvelle mission était pour lui un moyen de prouver au monde qu'il avait une utilité, même s'il n'avait jamais su pourquoi ni pour qui il devait obéir. Il était juste persuadé qu'il le devait. Tellement que c'en était devenu un besoin vital. Ecouter, observer, agir, et rapporter le rapport à ses supérieurs. Rien de plus, rien de moins. C'est ainsi qu'il se sentait vivre.

Saleté de flotte.
Je soupirai longuement avant de reprendre ma lecture. Physique quantique, chapitre 3. Un délice.
D'où me vient cette passion pour les sciences? Pas la moindre idée. Peut être le fait d'avoir passé 13 ans en laboratoire... De toute façon quelle importance? Que j'aime ou non, je suis obligé de m'instruire. Chacun son truc. Si la plupart des autres lycéens m'ont tout l'air d'une bande de singes désordonnée, je préfère personnellement faire ce à quoi je suis destiné.
Au moins ai-je la chance de le savoir.
Je repose mon livre sur la table, mon menton dans le creux de ma main.
Mes sourcils se froncent peu à peu tandis que mes réflexions me rappellent une évidence que j'avais déjà découverte il y a de cela plusieurs années et qui avait eu le mérite de m'intriguer à cette époque: tous ces autres... ils n'ont justement pas ma chance. Ils ne savent pas pourquoi ils existent ni dans quel but, et c'est ça qui fait d'eux des êtres instables... dangereux...

La porte de la grande bibliothèque s'ouvre à la volée. Shinji relève le menton. Ecoute. L'eau tombant sur le marbre sonne agréablement à son oreille, mais l'odeur de chien mouillé irrite ses narines. Il grogne. Se lève. Traverse la grande salle, se faufilant entre les étagères, et arrive dans le hall. Son dos s'appuie sur l'encadrement de l'immense arche qui sépare le hall de la salle où sont entreposés les livres. Ses bras se croisent sur son torse. Son regard impassible rendu monstrueux par le maquillage se pose sur le nouvel arrivant...

- Tu as oublié d'essuyer tes pieds.

La voix la plus neutre du monde.